Russie - Europe: j'ai choisi mon camp
J’ai choisi mon camp, j’imagine déjà les réactions outrées de quelques lecteurs, ils ne manqueront pas d’arguments pour m’accuser d’être passé à l’ennemi, sauf qu’ils devraient réfléchir à deux fois avant de désigner auprès de quel ennemi j’ai rejoint les rangs.
Dans cette guerre entre la Russie et l’Ukraine, j’ai choisi mon camp. Mais il faut que je me justifie.
Je ne fais pas partie de cette étrange coalition qui fait de Vladimir Poutine un nouveau héros. On y trouve à la fois des amis de Marine Le Pen et d’autres venant de l’extrême gauche.
Cela n’est pas suffisant pourtant pour fermer mon esprit, ne faisant définitivement partie ni des uns ni des autres, bien modestement, je réfléchis.
Je reconnais à Monsieur Poutine une qualité, celle d’avoir redonné à son pays ce qui nous manque tant chez nous, l’indépendance et l’honneur d’appartenir à une nation indépendante et forte et cela est loin d’être parfait. La Russie (Fédération de Russie) a changé, est-elle plus ou moins rassurante que l’ex URSS, la question se pose? Elle se pose pour nous, pas pour le peuple russe. Certes, elle n’a pas conservé de l’URSS le meilleur, la corruption est présente, mais elle n’est pas la création de Poutine, les droits de l’homme sont bafoués, ils l’étaient déjà auparavant. Rien de nouveau ! Mais où en serions-nous, nous, les donneurs de leçons si nous étions issus d’une histoire comparable ? Nous, qui sommes incapables de régler nos problèmes, celui de nos apartheid, (le mot est à la mode) celui de nos contradictions et de notre incapacité au consensus malgré quelques sursauts. Celui de notre impossibilité aussi à renouveler notre classe politique et celle de notre incapacité à réduire cette oligarchie prégnante conséquence de nos incorrigibles faiblesses toutes parfaitement identifiées mais jamais corrigées tant l’hypocrisie est de règle.
Oui, Poutine peut fasciner une partie de l’opinion française car Poutine est un chef, cela dérange, cela fait mal et cela nous renvoie à nos contradictions et à nos lâchetés.
Il a eu raison contre tous et avec nous contre la guerre en Irak, sans nous en ne condamnant pas la Syrie au nom de la lutte contre le terrorisme islamiste, sans nous en s’abstenant au conseil de sécurité lors du vote pour l’intervention en Libye. Depuis le conflit du Kosovo, en 1999, la Russie s’est opposée systématiquement à l’interventionnisme. Dans le cas de la Libye, la Russie avait conscience que cela pouvait déboucher sur un conflit de plus grande ampleur dont les conséquences sont lourdes. Nous en constatons aujourd’hui les dégâts. Nous avons nié par le mépris l’expérience de la Russie acquise en Afghanistan, où nous n’avons pas fait mieux, et critiqué son action en Tchétchénie, compte tenue de la violence de la répression. Aurions-nous fait mieux dans les mêmes conditions ?
Après le 11 septembre, la Russie a tenté de se rapprocher de l’Europe et a reposé en de nouveaux termes la question de ses frontières orientales. Celles des Pays Baltes, de la Biélorussie, de l’Ukraine et de la Moldavie. Le basculement de l’Ukraine de Kiev dans un semblant de démocratie suite à un coup d’état, a précipité les choses. La corruption est pire qu’auparavant, l’économie est un désastre, des milices d’influence nazi et ce n’est pas de la désinformation s’y déploient et c’est parce que nous avons fermé la porte au dialogue et au juste équilibre en emboîtant le pas des Etats-Unis que nous sommes aujourd’hui en partie responsables de la situation en Ukraine. Oui, la Crimée est annexée à l’encontre de toute loi internationale, le Donbass le sera tout autant, pire encore, le problème de la Serbie n’est pas encore réglé et personne n'en parle : En 2013, le président russe Poutine déclarait en parlant de la Serbie : « Nos relations ont un caractère non seulement amical et stratégique, mais aussi complètement particulier, qui s’est formé au cours des siècles grâce à nos peuples », la même année un sondage réalisé en Serbie montrait que les Serbes étaient plus favorables à une union avec la Russie qu'avec l'Union européenne. Il faut se souvenir qu’après la chute de Milošević, la Serbie du président Zoran Đinđic s'est tournée vers les États-Unis et l'Union européenne. En 2003, Jovica Stanišić, chef de la Sûreté d’État de Serbie (DB), avait fourni aux forces américaines les plans du réseau de bunkers de Bagdad, construit et mis en place au cours des années 1970 par la Yougoslavie de Tito. Cela a été le point de départ d'une ère nouvelle des relations américano-serbes et cause d’une humiliation supplémentaire pour les Russes.
Les Etats-Unis qui souhaitent étendre leur influence en Europe de l’Est par le biais de l’Otan, contraignent ses membres à les suivre dans leur course à l’hégémonie mondiale. Nous en récoltons les fruits en Europe. Cette politique hasardeuse à laquelle nous avons adhérée en bradant notre indépendance (en Roumanie l’aéroport de Constantza est désormais une zone militaire américaine), non remise en cause par les socialistes, nous la devons au président Sarkozy, qui se voyait grand à l’égal d’un Obama et qui ne fut que valet.
Ces frontières nouvelles à l’est de l’Europe sont en réalité, des frontières artificielles souples et poreuses, des zones qui auraient dues être de jonction et de tolérance entre deux modèles de société, appelés progressivement à se rejoindre par le flux de relations institutionnelles et informelles qui se tissent entre l’UE et la Russie, depuis la fin de la guerre froide. Or, ces zones désormais conflictuelles renvoient la Russie à sa spécificité continentale soucieuse de sa sécurité et qui se tourne désormais vers l’Asie. Poutine n’a pas la vocation d’un cocu. La reconstruction de l’armée russe est désormais en cours et cette reconstruction patiente après la quasi disparition de l’armée rouge ne saurait s’arrêter.
La Fédération de Russie reconstruit depuis 5 ans une armée blindée et mécanisée dont l’allègement est tout relatif. Elle reste à mon sens quasiment calquée sur le modèle précédent de l’URSS, en faisant un effort sur la marine et la défense aérienne, elle s’appuie sur un stock d’armement considérable dont une partie provient des stocks de l’armée rouge.
Sans entrer dans le détail complexe de la réorganisation, « la réforme Serdioukov » est fortement remise en question aujourd’hui et un certain flou demeure. Le système ternaire reste d’actualité.
Cette réforme a pour objectif de doter la Russie d’une armée redimensionnée et professionnelle, plus réduite mais plus mobile, dotée d’équipements plus modernes et disposant d’un encadrement de qualité. Il était prévu qu’en 2015, l’armée russe devait compter 150 000 officiers, 550 000 kontraktniki (soldats sous contrats) et 300 000 conscrits. L’armée de terre devrait quant à elle compter sur un effectif de 360 000 soldats.
Une Armée de terre réorganisée en brigades autonomes. 23 divisions pour 85 brigades. Chacune d’elles outre les blindés comprend deux bataillons d’artillerie et un de lance-roquettes multiples, un bataillon de missiles antiaériens, un bataillon sol-air, un du génie, un de transmissions, un de maintenance et un de logistique, et une compagnie de reconnaissance. On rêverait de tels GTIA à la française.
Le T-99 Armata, constituera le nouveau char de bataille destiné à remplacer les T-72 et T-90 actuellement en service. Les blindés intermédiaires, appelés Kurganets-25, offriront un successeur au parc de BMP-2/BMP-3, BMD et 2S25 Sprut-SD; alors que celle légère, dénommée Boumerang, sur châssis 8 x 8 remplacera les BTR-80, BTR-82/82-A et BTR-90. En outre, on observe 45 brigades d’appui : 9 brigades de missiles, 13 d’artillerie (dont 4 de fmissiles), 9 de défense antimissiles, 7 brigades de forces spéciales ex spetnatz, 3 de Guerre éléctronique et une de reconnaissance, basée à Mozdok en (Caucase-Nord).
Cette organisation est en fait très comparable en plus léger et mobile à celle qui était observée dans les années 1980 dans la GFSA en RDA et au GFN en Pologne. Avec 9000 chars dont 3000 de la toute dernière génération, cette armée de terre est à comparer aux faibles effectifs en homme et matériels que l’Otan est capable d’aligner en Europe. Pour mémoire la France ne pourrait déployer au mieux qu’un bataillon de 40 chars Leclerc dans l’hypothèse où nous devrions renforcer notre présence en Pologne.
On le sait, la France et l’Europe depuis la chute de l’empire soviétique ont réduit de manière drastique leurs budgets de défense, en niant tout danger potentiel pouvant provenir de l’Est, réduisant les effectifs, faisant de plus en plus léger en oubliant qu’au-dessous d’un certain seuil, la supériorité qualitative supposée ne peut compenser l’infériorité quantitative. Ce truisme a été volontairement occulté par un langage politique irresponsable relayé par quelques stratèges militaires complices d’une politique industrielle poussant sans cesse à une surenchère technologique exponentielle. Nos matériels sont devenus trop sophistiqués, trop chers, avec un coût de MCO devenu hors de portée, ce qui a conduit au triangle infernal des économies fictives supposées. Faute de budget suffisant on diminue le volume des commandes, annihilant ainsi toute économie possible induite par les effets de série. Une production de 11 Rafale par an ce n’est plus de l’industrie mais de l’artisanat, la réduction des Fremm de 18 à 17 puis à 11 revient à s’offrir 11 Fremm et maintenant probablement 8 ou 9 pour le prix de la série prévue au départ. Pire, incapables de les acheter nous les louerons grâce à un montage financier de type usine à gaz qui, au final nous coûtera plus cher, on le sait déjà. Ce n’est plus une erreur mais une faute doublée d’un gâchis sans nom. Pire, on dissimule la vérité, par un tour de passe-passe les Frégates légères furtives de type Lafayette sous armées faute de moyen financier suffisant se retrouvent surclassées au rang de frégates de premier rang. A vrai dire nous sommes actuellement incapables de connaître le format actuel de nos armées comme celui de nos armées futures.
La fédération de Russie est l’armée continentale la plus importante juste après l’armée populaire chinoise. Le budget est d’environ 70 milliards d’euros. En acculant la Russie par des sanctions à faire des choix de fuite en avant, on la contraint à se tourner vers l’Asie, ce qui augure pour l’avenir quelques affrontements directs avec les Etats-Unis.
Le retour à un affrontement est-ouest est, avec la déstabilisation du monde musulman, un danger majeur. J’ai choisi mon camp, celui de la France, celui d’un retour à une politique indépendante, en orientant résolument la politique intérieure vers des valeurs simples: rigueur, autorité, confiance, souci d’équité, en rompant avec des structures oligarchiques tout en rééquilibrant notre politique étrangère par le dialogue et le renforcement des liens avec une Russie qui pour être celle de Poutine n’en est pas moins celle d’un peuple qui a toujours aspiré à la paix.
Roland Pietrini
A lire http://forcesoperations.com/2014/06/09/la-transformation-de-larmee-russe/
:-Tatiana Braïlovskaïa http://www.lecourrierderussie.com/2011/03/tatiana-brailovskaia-libye-russie/
: revue strates http://strates.revues.org/2212
https://www.athena-vostok.com/poutine-jusquou-ira-t-il-la-marche-dun-tyran-ou-dun-visionnaire
https://www.athena-vostok.com/nombre-estimes-de-chars-de-combat-dans-le-monde
https://www.athena-vostok.com/situation-explosive-en-ukraine-et-mistral-perdant
http://www.meretmarine.com/fr/content/fremm-chronique-dun-incroyable-gachis
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