Armée de terre: LPM phrases clés du CEMAT
Audition du général Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014 devant la
Commission de la défense nationale et des forces armées
Mercredi 16 octobre 2013
Les phrases clés :
« Le PLF pour 2014 relance la modernisation des forces terrestres engagée en 2008. Toutefois, le rythme envisagé ne permet pas de lever tous les risques de rupture capacitaire, plaçant ainsi l’armée de terre « sur le fil du rasoir » en matière d’équipements. »
« VBCI : Le 16e bataillon de chasseurs de Bitche, sixième régiment d’infanterie sur huit à en être équipé, est en cours de transformation. En 2014, après la livraison de 77 nouveaux exemplaires, un peu plus de 600 véhicules auront été réceptionnés sur une cible de 630. »
« Le Tigre est devenu incontournable sur les théâtres d’opérations. Les quarante appareils en version appui-protection (HAP) livrés à ce jour sont complétés, depuis juin 2013, par les premiers hélicoptères en version appui-destruction (HAD), qui disposent de missiles. En 2014, l’aviation légère de l’armée de terre réceptionnera quatre HAD supplémentaires, portant à quarante-huit le nombre de Tigre livrés sur une cible ramenée à soixante appareils. ( donc moins 20 ou moins 100 par rapport à la première cible) L’arrivée de tous ces équipements a incontestablement élevé le niveau d’équipement de l’armée de terre et renforcé sa capacité opérationnelle. »
« Avant même les décisions du Livre blanc de 2013, les mesures d’économie imposées à l’armée de terre se sont ainsi traduites par une baisse de l’ordre de 14 % des investissements consacrés aux programmes à effet majeur et aux autres opérations d’armement. Ces mesures d’économie ont touché toutes les armées. Cependant, l’armée de terre, qui ne représente que 20 % du programme 146, a assumé 40 % de l’ensemble de ces économies en 2012 et 2013, ce qui a freiné la dynamique qui avait été lancée. »
Programme Scorpion :
« Compte tenu des reports qu’a déjà subis le programme et au regard de l’étalement des livraisons, les forces terrestres ne seront renouvelées par Scorpion qu’à l’horizon 2025, lorsque 50 % de ce parc aura été livré. Ma vigilance portera donc prioritairement sur le respect du calendrier. La livraison des vingt-quatre premiers véhicules blindés multirôles (VBMR) en 2018 et celle des quatre premiers engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) en 2020 constituent un objectif certes ambitieux, mais surtout crucial pour une opération particulièrement attendue. Le respect de ce calendrier est d’autant plus impératif que tout nouveau report s’accompagnerait inévitablement de nouvelles opérations de vieillissement des AMX10 RC et des véhicules de l’avant blindés (VAB), dont vous connaissez déjà la vétusté. J’estime en outre qu’il serait extrêmement préjudiciable de succomber à la tentation de l’achat « sur étagère » pour remplacer une des trois opérations constituantes de Scorpion, ce qui remettrait en cause les économies d’échelle réalisées en faisant appel à une seule famille d’équipements. »
« Concernant les hélicoptères de manœuvre, la commande passée le 29 mai 2013 pour la seconde tranche de livraison de trente-quatre NH90 est évidemment une source de satisfaction. Mais elle ne doit pas masquer le fait que la future LPM limite à ce stade à 115 le nombre d’hélicoptères de manœuvre de l’armée de terre, affaiblissant ainsi, pour le moment et dans l’attente d’un retour à meilleure fortune, la capacité aéromobile des forces terrestres. En outre, l’étalement des livraisons des NH90 – qui seront au nombre de trente-huit en 2019 et de soixante-huit à l’horizon 2024 – repousse l’amélioration qualitative de notre flotte d’hélicoptères de manœuvre. Cela contraint donc l’armée de terre à conserver des Puma en limite d’obsolescence au-delà de 2025 – ils auront alors près d’un demi-siècle –, ainsi que des Cougar et des Caracal au-delà de 2030. »
« S’agissant des drones tactiques, les engagements récents ont confirmé l’apport essentiel qu’ils représentent en opérations. En offrant au chef tactique et aux forces terrestres un appui renseignement immédiat, adapté au rythme des opérations menées au sol, ils contribuent à l’efficacité et à la protection des unités engagées. Dans ce cadre, l’évaluation du système Watchkeeper, conduite avec nos amis britanniques, se poursuit avec des résultats techniques prometteurs mais encore perfectibles, qui permettent d’entrevoir sa maturité prochaine. Sa fiabilité vient d’ailleurs d’être reconnue et certifiée au Royaume-Uni. La coopération entre les deux armées de terre autour du Watchkeeper fonctionne parfaitement. »
« Le programme d’équipement en missiles moyenne portée (MMP) exige, quant à lui, une vigilance particulière, afin que le marché de développement et de fabrication soit bien notifié avant le mois de novembre 2013, ce qui semble en bonne voie. L’acquisition de cet armement, qui constituera un élément majeur de nos unités de combat d’infanterie et de cavalerie, permettra de remplacer trois armements par deux. Ce programme contribue donc à l’effort général d’économie sur les moyens et de rationalisation de l’armée de terre. Il s’agit surtout de limiter l’ampleur de la réduction de capacité, inévitable à partir de 2016, du fait de l’obsolescence définitive du Milan et de son poste de tir. »
« Le cas du porteur polyvalent terrestre (PPT) illustre également les risques de rupture capacitaire que font peser les reports successifs d’opérations et le ralentissement des cadences de livraison. Les premières versions de ce camion logistique ont été livrées en 2013. Cent quinze exemplaires le seront en 2014, et seulement 450 avant 2020 sur une cible de 1 600 porteurs. Ceci nécessitera de procéder à nouveau au vieillissement des camions logistiques actuels : le TRM 10 000 et le véhicule de transport logistique (VTL), aujourd’hui réellement à bout de souffle »
« L’augmentation des crédits consacrés à l’EPM permet globalement de satisfaire nos besoins en entretien courant, mais elle ne couvre pas les coûts de régénération des matériels rapatriés des théâtres d’opérations extérieures. C’est pourquoi, en l’absence de financement spécifique, la remise à niveau de ces véhicules ne pourra se faire qu’au détriment de la disponibilité des parcs en service en métropole. En 2014, pour régénérer les 1 400 engins terrestres ramenés des opérations Pamir et Daman – dont près de 560 VAB –, auxquels il convient d’ajouter les équipements rentrés de l’opération Serval, le besoin est évalué à 24 millions d’euros par an sur une période de cinq ans. La couverture de ce besoin nous a été refusée à ce stade de l’élaboration du budget. »
« Toutefois, si les contraintes budgétaires devaient se maintenir au même niveau au-delà de 2015, toutes ces « bonnes pratiques » ne suffiraient pas à écarter le risque d’une dégradation progressive de l’aptitude de l’armée de terre à honorer son contrat opérationnel.
S’agissant des dépenses de fonctionnement et de cohérence opérationnelle, l’armée de terre identifie des tensions contraignant les conditions d’exercice du métier militaire et les conditions de vie. Ces tensions pourraient avoir des effets sur sa capacité opérationnelle et sur son moral. En effet, en l’état, le cadrage budgétaire comprimera les crédits dédiés aux équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC), à l’entretien programmé du personnel (EPP) et au fonctionnement et aux activités spécifiques (FAS). Cette situation est d’autant plus préoccupante que ces dépenses sont de plus en plus rigides compte tenu de leur volume, tandis que les marges d’économie restantes sont dorénavant faibles. À titre d’exemple, afin de ne pas porter préjudice à la sécurité de nos hommes, je devrai probablement choisir de financer à hauteur d’environ 10 millions d’euros le renouvellement de nos moyens d’évacuation sanitaire et de retarder celui des chariots élévateurs, pourtant indispensables sur les théâtres d’opérations extérieures.
La tension qui s’exerce sur les dépenses liées à la mobilité du personnel retient également mon attention. Structurellement sous-dotés, ces crédits subissent depuis 2011 une érosion significative qui accroît chaque année le décalage entre les ressources programmées et les besoins de l’armée de terre. Des mesures d’économie visant à réduire la mobilité outre-mer et à l’étranger – la durée des séjours a ainsi été réduite progressivement à trois ans – et à diminuer le plan de mutation en métropole au strict minimum sont mises en œuvre pour résorber cet écart. À cette sous-dotation s’ajoute à présent l’absence préoccupante de financement des dépenses de mobilité directement liées aux restructurations à venir. Afin que nos soldats n’assument pas directement la charge des réorganisations qu’impose notre nouveau modèle d’armée, je serai très probablement amené à transférer les efforts d’une ligne budgétaire à l’autre, affectant ainsi celles qui sont déjà dotées au minimum.
J’y insiste : les coupes dans les crédits de fonctionnement, décidées par plusieurs gouvernements successifs, finissent par porter atteinte aux droits individuels des soldats – par exemple au droit au remboursement des déménagements, alors que la mobilité est inhérente à notre métier. Dans l’armée de terre, les crédits de fonctionnement servent également à financer les campagnes de communication pour le recrutement et certains aspects de la préparation opérationnelle. Le fonctionnement a été trop rationalisé par le passé pour pouvoir subir de nouvelles mesures d’économie. »
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